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Opéra de Nice – LES PÊCHEURS DE PERLES De Georges Bizet

En 1860, époque où Bizet composa Les Pêcheurs de Perles, l’exotisme était à la mode. L’histoire devait à l’origine se dérouler à Mexico, l’action fut déplacée à Ceylan pour sa coloration orientale alors très en vogue, tant en peinture (Delacroix, Ingres…) qu’en littérature (Hugo, Chateaubriand, Flaubert, Lamartine…). L’abandon des danses religieuses s’inscrit autant dans ce contexte que la rigueur sublime de la cérémonie brahmane. Avec cette oeuvre, Bizet a ouvert le chemin de plusieurs opéras d’inspiration liée à l’Orient.

Credit photo Dominique Jaussein

A l’Opéra de Nice, le rideau se lève sur un décor simple, modulable, très moderne, limite avant-gardiste, bleu comme la mer, avec des formes ondulantes très stylisées symbolisant les vagues qui entourent l’île de Ceylan. Cinq jeunes danseurs en costumes orientaux figurent quelques pêcheurs. Peu représenté du vivant de Bizet, le livret n’est pas considéré comme un chef d’oeuvre théâtral, mais il possède pourtant une certaine géométrie, dans laquelle chacun des trois personnages principaux se distingue dans un air, chacun participant également à un duo. Ces ensembles sont couronnés par un trio dans lequel s’expriment les principaux éléments de l’action basée sur l’amour et l’abnégation. En résumé : deux pêcheurs de perles, Zurga et Nadir, aiment la même femme, la prêtresse Leïla. Mais ils jurent de renoncer à cet amour pour maintenir leur amitié jusqu’à la mort.

Credit photo Dominique Jaussein

La musique est splendide, faite de clarté et de transparence dans la mélodie. L’air le plus populaire de l’oeuvre est la romance de Nadir dans l’acte I. La voix douce et tendre du ténor Julien Dran ajoute un effet mélancolique à la mélodie tout en vagues tranquilles. On retrouve les mêmes qualités dans le solo de Leïla, interprétée par la soprano Gabrielle Philiponet dont la voix magnifique monte très haut. Son timbre est contrebalancé par la profondeur de voix du baryton Alexandre Duhamel, correspondant parfaitement aux tourments de la jalousie guidant malencontreusement des actes qu’il regrettera…

Credit photo Dominique Jaussein

Le duo Leïla-Nadir ne correspond pas au schéma d’un classique duo d’amour, mais leur cheminement intérieur et musical mène l’harmonie de leurs deux voix, d’autant plus bouleversantes sous la baguette de Giuseppe Finzi. L’amour l’emporte sur le sens du devoir de Leïla, femme divinement pure, dont les deux hommes sont amoureux depuis toujours. Bizet a donné à l’opéra une musique vivante et passionnée et le choix de l’action comble l’attente du public. L’impeccable mise en scène de Bernard Pisani en a magistralement souligné les intentions, et les costumes de Jérôme Bourdin, exotiques à souhait, illustrent l’Orient de l’époque de la création des Pêcheurs de perles.

Credit photo Dominique Jaussein

A la fin, le public, qui a d’abord applaudi le décor lors du lever de rideau, exprime son admiration par des hourrahs enthousiastes !

Caroline Boudet-Lefort