JournalSpectacles

ANTHEA – DEPARDIEU CHANTE BARBARA de retour les 3 et 4 novembre

Un immense succès à Anthéa pour l’ouverture de la saison 2018-2019, avec chaque soir une salle pleine à craquer venue faire une interminable ovation à Gérard Depardieu pour son ode à la « longue dame brune » dont il fut l’un de ses plus proches amis. L’accueil du public a été au maximum de l’enthousiasme ! Au cours des trois soirées exceptionnelles sur la scène du Théâtre d’Antibes, les fanatiques de la chanteuse Barbara et ceux du comédien Depardieu ont été comblés. Les deux sont présents sur scène, quoique seul le « colosse » chante, avec une délicatesse incroyable, le répertoire de son amie à laquelle il a voulu rendre hommage vingt ans après sa disparition. Ce sont les seules représentations proposées cette saison en dehors de Paris, où Depardieu sera à nouveau sur la scène du Cirque d’Hiver, en novembre.

A la fois monumental et fragile, Depardieu ne cherche pas à être un grand chanteur qui déploie sa voix en tirant sur ses cordes vocales, mais il sent les mots et les met en valeur avec sa vox chaude et son incontestable charisme. Sa voix, toujours juste, est unique qu’il parle ou qu’il chante. Il est accompagné au piano par Gérard Daguerre, le fidèle compagnon de route de Barbara durant dix-sept ans, jusqu’à sa disparition en 1997. Ils sont donc trois sur scène à nous envoûter de leur intimité, de leur présence, car Barbara est bien là. Des souvenirs viennent hanter l’ami et complice sur scène : en 1986, Barbara et Depardieu ont interprété ensemble Lili Passion, une pièce musicale dont il chante d’ailleurs quelques extraits. Les gestes de mains ou de bras du comédien et ses silences en disent long. On entend son coeur être brisé par toute la mélancolie du monde qui se niche dans son corps imposant. Reprenant les mots de Barbara, il parle au féminin de sa voix intense aux intonations délicates et, malgré son corps viril et massif, cela passe fort bien, même lorsqu’il dit « je suis une femme ». On le sent habité par les chansons de son amie, la dame en noir. Il dit qu’elle et lui s’étonnaient qu’on la prenne pour une femme triste, alors qu’ils riaient souvent ensemble. Il dessine ainsi un portrait de la chanteuse, explorant ses souvenirs réels ou imaginaires. Qu’il parle ou chante, il s’exprime souvent au féminin reprenant les drames et les douleurs que Barbara avait mis en mots dans ses chansons. Cet aigle noir qui surgit dans la nuit, c’est ce père qui venait abuser de sa faiblesse d’enfant, mais auquel elle a pardonné dans Nantes. Se frottant au répertoire poétique de Barbara, il évoque, invoque, mélange sans brouiller les pistes. D’ailleurs le public applaudit dès la première note de musique reconnaissant déjà ce qui va suivre. Le piano fluide rend la mesure exacte de chaque chanson, privilégiant selon le cas l’énergie ou la souplesse. Au cours du spectacle, là sur scène, Depardieu perd une dent. Il le dit simplement au public qui rit un peu, alors qu’on le sent gêné par cette cavité soudaine dans sa bouche. Pourtant il poursuit : Gôttingen, La petite cantate, l’Aigle noir, Dis, quand reviendras-tu ?, La Mal de vivre… un vocabulaire en musique dont il semble proche. Il offre un écho direct et lancinant qui émerge de ses souvenirs. Le coeur palpite et l’émotion est là. Inspiré, il pénètre l’univers de la chanteuse qui semblait n’appartenir qu’à elle seule. Il a une voix en équilibre fragile, mais dignement tenu, avec des intonations d’une douceur ouatée qu’il oppose à la voix de Barbara montant soudain haut, très haut en volutes inouïes et limpides. On voit le « monstre sacré » dans un de ses meilleurs rôles : celui de l’ami de Barbara à laquelle il rend le plus bel hommage qui soit. Grâce à la sincérité, à l’authenticité, de cet ours monumental, la frêle Barbara est revenue parmi nous ! Caroline Boudet-Lefort