ExpositionsJournal

Caroline Coppey et ses couleurs

Un peintre n’en a jamais fini avec la couleur. Plus ou moins consciemment, toujours il règle son rapport à la perception, à la manipulation de l’infini des possibles en couleurs. Caroline Coppey en fait le thème exclusif de son travail et avec l’exposition proposée cet été dans l’Espace Culturel de l’hôpital de Tonnerre montre ce propos défini d’une approche illimitée : Impressionnant combat contre, ou avec, ou dans la couleur. Frédéric Elkaïm, dont nous donnons ici la préface à l’actuelle proposition, écrivait dans le catalogue d’exposition de Caroline Coppey au Moulin des Arts de Saint-Rémy, en juillet 2013 (cf. publication dans PerformArts, 29 mai 2015). « Sorte de Don Quichotte de la peinture, elle a fait de sa vie l’impossible quête de l’unicité de la couleur, cherchant jusqu’à épuisement, c’est-à-dire jusqu’au bout de sa vie, les nouvelles couleurs uniques qui viendront s’ajouter à son immense nuancier sans cesse complété » Marcel Alocco

Après Le Grand Voile, assemblage à l’épingle de 1176 rectangles de Tissus de couleurs uniques présenté en 2014 dans la salle des malades de l’hôtel-Dieu de Marguerite de Bourgogne, Caroline Coppey nous invite, dans l’espace de la Pharmacie, à une traversée de la couleur dans ses dimensions de résonance vibratoire, qui inclut l’expérience d’un espace immersif sous la forme d’une installation colorée sol-mur de 1541 Papiers de couleurs uniques. Jean-Louis Déotte, qui s’est intéressé à l’espace immersif dans le cadre de son travail d’exégèse sur Walter Benjamin, le décrit ainsi : « L’espace immersif, à la différence du projectif, ne peut plus être structuré par une ligne d’horizon, des points de distance permettant le quadrillage de l’espace de représentation et un point de fuite qu’on appelait dans les traités de perspective, point du sujet ! »

Cet espace s’adresse aux cinq sens. Il ouvre nos capacités synesthésiques –celles qui permettent de relier couleur et son, couleur et goût, couleur et odorat, couleur et profondeur spatiale, couleur et texture et, de manière plus invisible encore, couleur et perception vibratoire–, tout en stimulant nos capacités d’association imaginative. Ainsi, regarder la peinture devient un acte perceptif multidimensionnel, qui ne se limite pas à l’analyse intellectuelle de nos perceptions visuelles par le mental. Le travail de Caroline Coppey s’articule en séries, déclinées à partir du concept d’unicité de la couleur élaboré en 1998. Chacune de ces séries possède des principes formels singuliers, qui sont amenés à évoluer dans le temps, mais toutes nous proposent d’entrer dans la dimension vibratoire de la couleur et à percevoir les composantes chimiques et physiques de sa nature propre.

Ainsi, une part importante de travail préalable à la réalisation des œuvres consiste en la recherche de mélanges, d’alliages, dans une quête alchimique de la couleur, qui rejoint les préoccupations du Pharmacien créant son médicament, son pharmakon – le terme grec signifiant autant remède que préparation colorante. Ces préoccupations sont aussi celles de l’Âyurveda, médecine traditionnelle indienne, ou des pratiques traditionnelles chamaniques, pour lesquelles la couleur, autant que le son, possède des vertus thérapeutiques.

Pour goûter à cette transformation alchimique, voire thérapeutique, Caroline Coppey nous invite à nous placer dans l’état de réceptivité qui nous permet d’accueillir toutes nos perceptions, à la manière de l’enfant qui découvre le monde.

Frédéric Elkaïm

Caroline Coppey

Résonnance de la couleur

La Pharmacie

Espace culturel de l’hôpital de Tonnerre

Place Marguerite de Bourgogne

1er juillet – 31 août 2018

Vernissage le samedi 30 juin de 17 h à 20 h