Citations de Camus expliquées
Dans ce petit « Eyrolles pratique » J-F Matteï décrit un itinéraire en s’appuyant sur150 citations commentées dans leur contexte, bonne introduction à la lecture ou relecture des ouvrages. On commémore le centenaire de la naissance d’Albert Camus par une recrudescence de publications plus ou moins pertinentes mais, indice qu’ils restent bien vivants, il est certain que ses écrits vont encore longtemps être l’objet de controverses.
Il est vrai que la pensée de Camus se développe en apparence modestement et selon un plan assez précis, sur des thèmes dont J-F Matteï adopte dans son ouvrage l’allure : L’Etranger, L’Absurde ou Sisyphe, La Révolte ou Prométhée, l’Amour ou Némésis, et enfin la Pensée du Midi. Nous sommes loin cependant des philosophes systémiques assénant leurs dogmes. Il ne pouvait, ayant tôt pris position contre la peine de mort, que s’opposer totalement à des propos tel que « Un régime révolutionnaire doit se débarrasser d’un certain nombre d’individus qui le menacent, et je ne vois pas là d’autre moyen que la mort. Les révolutionnaires de 1793 n’ont probablement pas assez tué. » ( J-P Sartre, Actuel, février 1972)
Albert Camus s’inscrit plutôt dans la lignée des penseurs qui avancent au rythme de leurs découvertes, façons Montaigne, Rousseau ou Alain. Son écriture toute en clarté cache d’abord sa complexité. En un temps où tout diplômé de l’université se présente et se titre « philosophe », dire comme certains d’Albert Camus qu’il serait « un philosophe pour classe de terminale » semble bien futile. À toujours voir et dénoncer des failles qui nous paraissent aujourd’hui évidentes dans les affirmations catégoriques des bonnes consciences, ses positions trop nuancées pour les esprits militants n’ont pas toujours été bien reçues. La constance et le « balancement » de Camus rejoint la constance et le branle de Montaigne : « Le monde n’est qu’une branloire pérenne. Toutes choses y branlent sans cesse : la terre, les rochers du Caucase, les pyramides d’Egypte, et du branle public et du leur. La constance même n’est autre chose qu’un branle plus languissant. Je ne puis assurer mon objet. Il va trouble et chancelant, d’une ivresse naturelle. Je le prends en ce point, comme il est, en l’instant que je m’amuse à lui. Je ne peins pas l’être. Je peins le passage » (…) « …toujours en apprentissage et en épreuve. »
S’il ne présente pas une étude exhaustive de l’auteur, ce «Citations de Camus expliquées » est un bon instrument pour aborder l’œuvre ou repenser une lecture déjà ancienne, ce pourquoi il a d’ailleurs été conçu.
Marcel Alocco
Citations de Camus expliquées
Jean-François Matteï Collection Pratique, Editions Eyrolles 2013