Artistes

Gilbert Pedinielli : Deux ou trois choses que je sais d’elle

M.M. meurt le 4 août 1962. J.D et G.P. se marient le 11 août de cette année à cet instant. Il n’y a rien qui rapprochent ces deux faits.

En 1981, lors d’un voyage en Amérique du Nord, je suis étonné que l’on commence déjà à célébrer le Vingtième anniversaire de la mort de M.M.

Jusqu’à cette date, elle n’était pour moi qu’une vedette américaine gonflée de publicité et prête à être iconifiée! Alors J’ai acheté toutes les revues que j’ai trouvées par curiosité et, ensuite des livres et des livres par une furieuse envie de connaître une vérité insondable.

Ce fut une rencontre imprévue dans mon travail qui était à l’opposé de ce que je produisais et que je produirai.

La réflexion, la recherche, le labeur fait et défait, revu et corrigé, aboutissent à un résultat incluant toutes les composantes que j’ai filtrées déformées, transformées afin de tenter d’atteindre un objectif de vraie réalité.

L’œuvre s’offre au regardeur comme une entité artistique porteuse dans un agencement de matière que la créativité réorganise en une pièce tangible, une nouvelle histoire qui s’ajoute à ce qui existe et qui l’agrandit.

Au cours des expositions :

« Votre femme ne doit pas être jalouse de votre acharnement sur Marilyn ?

Non, mon épouse comprend le travail que je tente d’établir sur le respect de la femme et des femmes.

Mais cette opiniâtre ardeur doit-être de l’amour fou pour elle ?

Non, pas du tout, je préfère les actrices brunes comme Ava Gardner ! »

« Ben Vautier écrivait que je voulais m’accaparer le mythe M.M. comme si je voulais en faire une marque de fabrique selon l’usage de la répétition chez les artistes. Je suis contre toutes les visions figées en Art. c’est faire une injure à mon entendement et mon engagement en Art et dans la vie.

Mais pourquoi Marilyn ?

Mais parce qu’elle était intelligente, Monsieur !  

« Mon travail avance sur trois fronts : au centre une recherche sur les idées réalisées en deux ou trois dimensions, à ma Gauche une perception sur M.M., sur ma droite des écrits non sur le hasard mais la nécessité inattendue (En 2012 j’ai réuni les trois afin de sortir un ouvrage : « La Cité de la baie des Anges »)

Pour ce travail spécial, à Bruxelles, j’ai photographié pendant 5 ans les documentaires sur M.M. qui passaient à la télévision. Mon but, après la première surprise passée, était d’obtenir sur un même cliché la dernière image de la séquence avec la première image de la séquence suivante. Une image jamais vue. La schizophrénie !

«Se peut-il que Marilyn, La Petite Marilyn, nous ait indiqué la voie»* (Marilyn, poème de P.P.Pasolini – La persécution).

Gilbert Pedinielli

* N.D.L.R : Dernière strophe du poème Marilyn de P.P.Pasolini.

Ora i fratelli maggiori finalmente si voltano, 
smettono per un momento i loro maledetti giochi, 
escono dalla loro inesorabile distrazione, 
e si chiedono : «È possibile che Marilyn, 
la piccola Marilyn ci abbia indicato la strada ? »
Ora sei tu, la prima, tu sorella più piccola, 
quella che non conta nulla, poverina, col suo sorriso, 
sei tu la prima oltre le porte del mondo 
abbandonato al suo destino di morte.

Maintenant les grands frères se tournent enfin,
arrêtent un instant leurs maudits jeux,
sortent de leur inexorable distraction,
et se demandent : « Se peut-il que Marilyn,
la petite Marilyn nous ait indiqué la voie ? » Maintenant c’est toi,
la première, toi la plus petite des sœurs, celle
qui ne compte pour rien, pauvre petite, avec son sourire,
c’est toi la première au-delà des portes du monde
abandonné à son destin de mort.

In La Persécution, poèmes choisis, présentés et traduits par René de Ceccaty, © Seuil, Points, 2014, p.90