Lorsque l’art s’engage
Les artistes contemporains dénoncent, provoquent, suggèrent, manifestent, réagissent au mal- être de la société et à ses dysfonctionnements. Ils interpellent avec des performances, vidéos, installations, peintures, sculptures, photographies. Certains s’inscrivent simplement, plasticiens. La notion de Beau évolue mais elle n’exclue pas l’esthétisme. L’installation, Les enfants bleus, de Louise-Caroline, commissaire de l’exposition, présentée à la bibliothèque Raoul Mille à Nice est un exemple d’expression artistique, au ton dénonciateur.

L’idée support de la réflexion est la poupée, objet de confidence de l’enfant. Les petits anges aux ailes brisées de Louise, ouvrent l’exposition et donnent le ton : l’enfant meurtri. Les photos de Sylvie Paligot – Grimal de poupées abandonnées et retrouvées dans des brocantes, démembrées et salies par la vie, témoignent. Elles deviennent images de la détresse, de la maltraitance de l’enfant. Les textes de Sylvie Paligot-Grimal qui les accompagnent, véhiculent poétiquement, « entre colère et compassion » une réflexion que souligne la scénographie. A la lecture de ces dix- sept chants-antiennes, le cœur chavire… écrit Louise-Caroline.

Sylvie ne s’est pas prise de passion pour les poupées de porcelaine, des brocantes de St Marjac mais pour …… les poupées de pacotille, offertes aux chalands pour quat’ sous, jouets, malmenés, cassés et finalement délaissés par les multiples petites filles auxquelles ils ont appartenu. De ces petits corps pitoyables aux lèvres écarlates, mutilés par l’usage, dévêtus, échevelés, souillés, démembrés disloqués, étêtés, jetés pêle-mêle dans un panier d’osier, parfois ligotés, posés sur les étals dans un écrin de fortune, grossièrement réparés par des mains vénales, Sylvie n’a pas détourné la vue ; au contraire elle les a soigneusement photographiés. Puis elle leur a tendu les bras. Cette exposition est partie en 2017 d’Angers où s’est tenu le procès des enfants perdus, il y a douze ans. Passée ensuite à la médiathèque Raoul Mille à Nice en janvier 2018 à l’initiative de Louise-Caroline, elle a eu un écho particulier avec le Conseil départemental des Alpes maritimes.

Une rencontre organisée avec les services de la protection de l’enfance en danger a mis le public face à la réalité. Toute personne qui n’aurait pas signalé au service compétent, un enfant en danger est passible de prison. La directrice de l’A.D.R.E.T a longuement parlé de la protection de l’enfant, des interventions en urgence, du danger immédiat qui amène une enquête sociale, et exposé les aides possibles, ainsi que l’anonymat assuré pour les personnes qui informent les services compétents. Lorsque l’art s’engage…

Les poupées de Sylvie dénoncent avec puissance ce fléau de la maltraitance de l’enfant, seul et démuni, face à la violence sournoise et perverse de l’homme. Ce manifeste au service d’une cause, est accompagné d’un très beau texte de présentation de Louise-Caroline, plasticienne et poète et d’un petit livret. Il s’inscrit dans l’histoire de l’art où il résonne avec La poupée de Hans Bellmer, le massacre des innocents d’Arman, ou encore les Broken Dolls de Cindy Sherman. L’installation généreuse nous livre de belles photos de Sylvie Paligot- Grimal associées à des textes troublants. On se souviendra de : La fessée… Il mange à notre table… Barbara…Faut-il coudre ma bouche avec une étoile… J’ai tant d’amour pour toi… Silence… Réveillons le silence !
Brigitte Chéry le 22 Février 2019
l’ A. D. R E.T tel no 119 ou Numéro vert O 805 40 06 06 www.departement06.fr
Sylvie Paligot Grimal Syldo.grimal@orange.fr
Louise- Caroline www.louise-caroline.weebly.com