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Sylvain Besançon à Rueil-Malmaison

Né à Nice, comme beaucoup d’artistes niçois Sylvain Besançon amorce à l’adolescence son apprentissage à la Villa Thiole, l’historique École Municipale d’Arts Plastiques (crée en 1823 !). Ses études commencées à Nice se poursuivent à Nevers, puis à Bourges où il obtient le diplôme National des Beaux-Arts, et plus tard en Sorbonne, en Sociologie de l’Art… Suite au Prix Fénéon, il a exposé Galerie Katia Granoff, et de 1961 à 1976 participé à divers Salons et Biennales. En 1976, Sylvain Besançon, tout en continuant ses activités dans son atelier, décide de ne plus exposer.

Remarquons que la première FIAC a lieu à Paris fin 1975. Nous sommes donc au moment où s’affirme le déclin de l’impact des Salons au profit de celui des Foires. Alors que les artistes proposaient leurs travaux aux amateurs et aux galeries qui venaient faire leur marché dans des Salons gérés principalement par des artistes, vient l’époque où ce sont les marchands galeristes qui achètent les espaces et proposent arbitrairement des marchandises. Sans prétendre que la motivation soit directe, il semblerait que les changements dans le rapport des artistes aux publics aient pu favoriser ce retrait des circuits de monstration.

Salle vue de haut

Malgré les réactions encourageantes de ceux à qui il continue à faire partiellement connaître son travail, Sylvain Besançon n’expose plus jusqu’en 2003. Après quelques collectives et de plus modestes monstrations personnelles, l’actuelle exposition à la Médiathèque de Rueil-Malmaison marque donc l’amorce d’une véritable remise en visibilité du travail d’un artiste dont ces extraits de correspondances nous offrent un bien sympathique portrait : « Aucune de ces images ne ressemble aux autres. Chacune est un poème distinct, avec son langage et son mouvement. Et cela sans sortir du noir, de sa rudesse, de son âpre simplicité, de sa vigueur… » Jean CASSOU Paris 1975 « Je suis extrêmement ému de retrouver une fois de plus, et cette fois dans son plus grand approfondissement, la sympathie que vous avez toujours portée aux efforts que je n’ai cessé d’accomplir pour demeurer fidèle à quelques grandes pensées qui me sont chères. Il y a entre vous et moi une connivence de cœur et d’esprit dont je ne cesse d’apprécier la constante vitalité… » Jean CASSOU Paris 1984

« Un impressionnant envoi dont je ne veux pas tarder à vous remercier. J’en ai pris connaissance avec sympathie et intérêt. Plus qu’à moi, me semble-t-il, c’est aux Indiens de la côte du Pacifique que votre œuvre s’adresse. Mais je suis heureux si entre vous et eux, j’ai pu servir d’intermédiaire… » Claude LEVI-STRAUSS Paris 1991 « Je trouve ce portrait très énigmatique et me pose la question : qui se cache derrière ce masque ?… » Henri JOBBE-DUVAL Paris 1992 « Je suis heureux que cette photo si ancienne déjà ait servi de support à une série qui me parait excellente… » Albert BITRAN Paris 1998 « Vous rendez ma tête intéressante, et celle des autres qui l’est en général déjà (mais jamais assez) … J’attends avec impatience vos nouveautés… » Michel BUTOR Lucinges 2000 « J’aime cette « réplique » à mes mots, j’aime l’idée de la faille que la face ne parvient pas à masquer tout à fait !… » Alain FREIXE Nice 2012 « Merci pour ce magnifique envoi…Nous en reparlerons si vous voulez quand vous viendrez au printemps. A bientôt… » Michel BUTOR Lucinges 2014

Parmi les peintures présentées (50 portraits, 24 vues de Nevers) plus de la moitié ont été réalisées ces deux dernières années, en majorité des portraits ou des paysages « superposés ». Il s’agit de fortes interventions en couleurs sur des photos de personnes connues ou célèbres, photos souvent réalisées par l’artiste. Donc, pour les portraits, passages des visages aux masques. Mais l’exposition est titrée « Du Masque au Visage ». C’est que, comme l’écrivait André Malraux dans « La condition humaine » : « Le masque possède au plus haut point l’accent qui fit longtemps exécrer ou craindre les portraits : la fixation de la vie libérée du temps.» Malraux qui, parlant des masques des arts premiers, dans « Le musée imaginaire » explicite que le masque est révélateur de l’essentiel de ce qu’il est sensé cacher du visage. Si je lis ton masque, je sais qui tu es. Sigmund Freud dit bien que nos mensonges aussi disent notre vérité. En masquant, la peinture devient dénonciatrice : « Vous rendez ma tête intéressante, et celle des autres qui l’est en général déjà (mais jamais assez)… » lui écrivait Michel Butor. C’est bien la fonction de l’art, qui n’est pas de reproduire l’objet réel mais d’en dire quelque chose qui n’est apparent que par le regard de l’artiste. Pour le visiteur il y a à faire lecture dans ce panorama de portraits et de paysages, et il est un bon lieu pour cet œuvre de se déployer dans le vaste espace d’exposition de la Médiathèque de Rueil-Malmaison, dans l’aura livresque. Marcel ALOCCO

« Du masque au visage » Sylvain Besançon du 3 juillet au 25 août 2018

Médiathèque Jacques-Baumel

Rueil-Malmaison