Spectacles

TNN – CANDIDE

Rien de mieux que le théâtre pour (re)découvrir un texte classique, un auteur, voire les deux. Ainsi Arnaud Meunier déploie sa version de « Candide » de Voltaire sur les planches du TNN. Ce roman d’apprentissage à l’ironie bien trempée publié en 1759 entraîne une galerie de personnages qui n’ont pas l’étoffe dont on fait les héros dans une quête à travers le monde. A travers eux Voltaire règle ses comptes avec l’optimisme et expose l’emprise du mal sur le monde. Cela dit, l’évocation de la religion et du fanatisme, de la tyrannie, de l’obscurantisme ou encore de l’esclavage n’ont pour autre but que d’atteindre le bonheur ici et maintenant.

En effet, alors que les philosophes de la Renaissance prônaient l’accès au bonheur après la mort, Voltaire et les philosophes des Lumières ont développé le concept du droit au bonheur immédiat. Cette quête du bonheur que construit Candide malgré les aléas du destin, la folie des hommes et la déraison de Pangloss. La vie humaine n’a d’autre sens que celle que nous lui donnons. « Il faut cultiver notre jardin ». Ce jardin étant une métaphore des nourritures terrestres et spirituelles mais aussi des limites qu’il est possible de repousser. En effet, l’homme peut progresser dans son savoir et construire sinon un monde parfait, du moins un monde qui est plus en harmonie, et qui par le travail (cultiver demande des efforts) éloigne l’ennui, le vice et le besoin. Voltaire précise bien « notre » et non « son » jardin car c’est tous ensemble à la métairie qu’ils arriveront à cette harmonie.

Arnaud Meunier semble avoir bien compris le concept autour de cette harmonie du travailler ensemble car si son théâtre-récit avec ses acteurs-conteurs peut désarçonner au début, le spectateur est vite emporté par la belle énergie déployée par les comédiens et les choix de mise en scène. Ainsi, les chapitres défilent et le plateau prend vie et se transforme. Avant-scène, jeu de transparence, vidéo, ombre-chinoise, arrière-scène, les tableaux se succèdent sous une magnifique lumière et dans une élégante sobriété. Au premier plan à chaque extrémité deux musiciens dynamisent le flot du récit et le jeu des comédiens. A cela s’ajoute des doses d’humour et d’irrévérencieuse fraîcheur.

Sous cette malicieuse houlette les mots de Voltaire résonnent avec notre époque. Et si le fait que les thèmes abordés soient toujours actuels ne signifiait rien d’autre que notre absence d’évolution depuis lors ? Le droit au bonheur est dans notre jardin certes, mais encore faut-il le cultiver.

Carine Filloux

Candide

Mise en scène : Arnaud Meunier

Avec : Tamara Al Saadi, Cécile Bournay, Philippe Durand, Gabriel F., Romain Faubourg, Nathalie Matter, Stéphane Piveteau, Frederico Semedo, Matthieu Desbordes et Matthieu Naulleau

Participation vidéo : Emmanuel Vérité

Collaboration artistique : Elsa Imbert

Version scénique, dramaturgie et assistante à la mise en scène : Parelle Gervasoni

Composition musicale : Matthieu Desbordes et Matthieu Naulleau

Scénographie et vidéo : Pierre Nouvel

Lumière : Aurélien Guettard

Durée : 2h00

Mercredi 5, vendredi 7 et samedi 8 février 2020 au Théâtre National de Nice – https://www.tnn.fr/fr/spectacles/saison-2019-2020/candide

Candide photo J. Sfar