Un roman sentimental, Alain Robbe-Grillet
Alain Robbe-Grillet est mort dans la nuit du dix-sept au dix-huit février 2008. A trois jours près, c’était le quatorze. Et une date grotesque. Même si son dernier livre s’intitulait Un roman sentimental. Il y fréquentait encore une fois les bords du gouffre, du côté de la pente, de l’à pic, des douleurs qui sont des plaisirs, des plaisirs qui font voir l’infini.
Dans quel film était-ce ? Glissements progressifs du plaisir ? Le jeu avec le feu ? Une jeune fille, accrochée à la falaise, la mer, verte – ou bleue – dessous. Anicée Alvina ? Il aimait la mer, les bords de mer, les rochers où volent des corps de jeunes filles belles comme des anges.
Souvenir. C’est le soir, rue des Ecoles, l’homme a une belle voix, des allures de Commandeur. Princier, arrogant, il balaie de la main la fumée de cigarette. Néanmoins, de New York, il répond. Il dit, à peu près : ça s’est passé comme ça, j’ai eu envie d’écrire. Ailleurs, il éclate de rire. Malicieux, il dit : « Flaubert aussi était un cœur tendre ». Salammbô. Et Alice au pays des merveilles. Le goût d’écrire au bord de la béance était venu de là au sarcastique Immortel.
« Je suis le criminel sadique, je suis la petite fille enchaînée » disait-il. Un roman sentimental commence par ces mots : « A première vue, l’endroit où je me trouve est neutre, blanc pour ainsi dire ; non pas d’une blancheur éclatante, mais d’une teinte indécise, trompeuse, éphémère, tout à fait absente aussi bien. »
La couleur du paradis ?
par Martin T.
Un roman sentimental de
Alain Robbe-Grillet
Fayard, 2007.